Eireann Yvon

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Amoureux de la lecture et de la Bretagne, j'ai fait au hasard des salons littéraires de la région beaucoup de connaissances, auteurs ou lecteurs.
Vous trouverez mes chroniques ici :
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A bientôt.
Yvon

Éditions Gallmeister

22,60
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25 juillet 2019

Une famille d'enfer !

Je découvre cet auteur avec son troisième roman publié aux Editions Gallmeister.
Nous sommes dans l'état de Washington, au nord-ouest des États-Unis, près de la réserve indienne de Colville.
Trois grandes parties : Exode, Lamentation et Genèse.
Exode (Août 1991) Lamentations (Septembre-décembre 1983), Genèse (Octobre1941-novembre1950).
Les textes de chaque chapitre sont toujours classés dans le même ordre : Exode, Lamentations et Genèse. Soit l'inverse des vies des personnages.
Nous faisons donc connaissance d'André et de Smoker, ils sont plus qu'adultes en âge, mais pour le reste, ce n'est pas réellement sûr. André est enseignant et son épouse Claire est partie. Alors il passe ses soirées à boire avec Smoker, son frère.
Parfois leurs ivresses les poussent dans des expériences insensées, par exemple chasser (ou pêcher) un ours avec un jambonneau comme appât. Et cela marche, l'animal sera enfermé dans une caravane et participera à leurs délires alcoolisés.
Plus nous avançons dans la lecture, plus nous remontons dans le temps, celui où les frères ont fait la connaissance de leurs épouses respectives, et la naissance de leurs enfants, les joies et les peines de la vie de couples.
Ensuite nous croisons Peg et Pork les parents, beau couple de cas sociaux, lui alcoolique qui va demander à ses fils de le tuer, elle oiseau voyageur à la cuisse légère, qui décidera un jour de se suicider... et qui réussira.
Mais tout n'est pas drôle dans ce livre, qui, malgré le burlesque de certaines situations, révèle une grande violence aussi bien morale que physique.
Et quand l'ex-épouse de Smoker lui apprend qu'elle a confié leur fille à un pasteur et son fils qui gèrent une communauté pseudo religieuse dans un coin perdu de la montagne, les frères se mettent en chasse...
Beaucoup de personnages dans cette famille complètement infernale. Chercher un membre un peu normal de cette fratrie et leurs épouses est un peu chercher la quadrature du cercle !
André paraît un peu plus sensé que son frère, mais la bière et le whiskey aidant, ils sont aussi insensés l'un que l'autre.
Un roman très ardu à lire, mais si comme moi vous avez une empathie certaine pour les marginaux adeptes de la dive bouteille, même jusqu'à l’excès, alors vous ferez comme moi... vous vous accrocherez et vous ne le regretterez pas.

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13 octobre 2017

Trop jeune pour mourir, trop malade pour vivre.

J’ai lu il y a plusieurs années maintenant « S'inventer un autre jour. ». Ayant beaucoup aimé, j’avais pour l’occasion reçu un très gentil mail de l’auteur. J’ai (sans trop d’espoir) demandé un service de presse pour cet ouvrage. Et surprise je l’ai reçu. Merci aux Editions Fayard et à Sandie Rigolt.
J’étais au courant des graves problèmes de santé d’Anne Bert et de l’inéluctable échéance. Que je ne savais pas si rapide. Anne Bert avait en effet demandé que l’acte thérapeutique (même si ce mot choque certains) soit exécuté avant la sortie officielle de cet ouvrage.
Après un extrait de l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen que je vous conseille vivement d’aller lire, de l’avant-propos de cet ouvrage je retiens cette phrase :
- Notre mort ne tue rien du monde et ni de la nature ».
Puis suivent dix-sept chapitres d’une vie qui n’a plus rien hélas d’ordinaire.

Une femme encore jeune, dans la force de l’âge, personnage connu du monde littéraire, apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Charcot. En un instant sa vie bascule, son univers s’écroule.
Comment vivre ce qui reste de son existence, avec toutes les contraintes qu’implique la dégénérescence d’un corps qui petit à petit se transforme en prison. Anne Bert a cette formule « être emmurée dans son propre corps » qui lentement mais sûrement ne peut plus nous aider à vivre.
Annoncer la terrible vérité à son époux, puis à sa famille, à ses relations amicales ou professionnelles, essayer de vivre encore un peu. Retrouver des amis, voyager encore mais pas très loin.
Puis prendre la décision qu’elle choisit en toute conscience. Etant agnostique, le fait religieux ne lui pose aucun problème.
Le dernier obstacle est la loi française, alors la Belgique sera la terre de l’ultime voyage.
Le personnage principal de ce livre, sa narratrice, est Anne Bert elle-même. Elle nous raconte par le menu mais avec une grande pudeur, son combat et ses états d’âme, mais sans jamais tomber dans le larmoyant.
Ce sont les ultimes combats d’une femme, le premier contre la maladie qu’elle sait perdu d’avance. Mais le second, celui qu’elle mène contre les lois françaises aura, grâce à son témoignage, on l’espère, des répercussions dans l’avenir.
Une très belle écriture traduisant à merveille des états d’âmes oscillant entre désarroi de constater qu’elle est sans défense contre la maladie, et la colère contre les lois françaises qui lui refusent de mourir dans la dignité à l’heure qu’elle aura choisie et dans son pays.
Une grande Dame, un grand livre, parfois la vie est une belle saloperie.
Une lecture que j’ai trouvée personnellement difficile. Le dilemme étant le suivant : lire et se sentir un voyeur de la souffrance humaine, mais à l’opposé se dire qu’Anne Bert a écrit ce texte en toute connaissance de cause et qu’il a été édité pour être lu. Ce que j’ai fait après bien des hésitations.

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17 mai 2016

Sur l'écran noir...

Ce roman est la retraduction de Nothing More Than Murder (1949) déjà lu il y a peu sous son ancienne appellation "Cent mètres de silence". Silence le film commence !
Les premiers romans de Jim Thompson n'ont pas bénéficié de traductions du texte intégral.
C'est chose faite ici. Donc je remets mon précédent résumé.
Joe Wilmot est exploitant dans le cinéma, ses relations avec Elisabeth, son épouse, ne sont rien moins qu’exécrables, surtout maintenant que Carol est entrée dans sa vie ! Et non pas par effraction car c'est la femme elle-même qui lui a ouvert la porte ! A première vue, la jeune fille ne paie pas de mine et pourtant ce qui devait arriver se produisit. Sous les yeux de l'épouse surgissant à l'improviste !
Mais on s'achemine doucement vers un ménage à trois car les époux ont un mystérieux projet en commun ! Projet qui bien sûr leur rapportera une coquette somme d'argent.
L'auteur nous raconte la rencontre entre Elisabeth et Joe et le couple pour le moins étrange qu'il forme pour le meilleur et pour le pire !
La combine semble juteuse et porte sur vingt-cinq mille dollars et tous les protagonistes de l'affaire sont impliqués. Mais qui bernera l'autre ou alors les autres ? Car il est évident que chacun a une bonne raison de vouloir tout garder !
Mais qui sera le, la ou les plus malins ? Ou alors un infime grain de sable va-t-il faire arrêter le film ?
Il semblerait que la perdante soit Elisabeth Wilmot qui est morte brûlée dans l’incendie de sa maison, feu qui a pris dans l'atelier de montage des films...
La bourgade est en grand deuil !
Il m'a semblé, mais c'est un sentiment personnel que la lecture est plus fluide ici, plus aisée, mais rien ne me permet de dire que c'est, soit la nouvelle traduction, soit l'intégralité du texte d'origine qui m'a donné ce sentiment.
Les personnages sont, bien entendu, les mêmes dans les deux versions !
J'ai sélectionné quelques phrases au hasard pour juger de la différence entre l'ancien et le nouveau texte, l'ancien étant en italique :
- Je savais bien qu'elle se moquait de moi. Elle m'avait amené Carol à la cabine que pour me narguer. Elle n'avait pas besoin de mon approbation, pour quoi que ce fut.
- Elle savait qu'elle disait cela pour rire. Elle m'avait amené Carol que pour me tourner en ridicule. Mon approbation, elle s'en passait largement.
- Jusqu'ici, je l'avais trouvé gauche et lourde, mais merde, je voyais bien que ce n'était pas vrai du tout. Ses seins n'étaient pas trop gros. Bon Dieu, ses seins !
Elle paraissait diablement rusée et drôlement gentille. Elle semblait venir de loin et s’être fait trousser en chemin.
- Je l'avais trouvée empotée, je lui avais trouvé de trop gros seins, et, bon sang, je voyais maintenant que ce n'était pas du tout le cas. Ses seins n'étaient pas du tout trop gros. Seigneur, ses seins !
Elle avait l'air craquant et fou, marrant et doux. Elle donnait l'impression d'avoir bien démarré et d'avoir été chiffonné en cours de route.
- Elle ne répondit pas immédiatement, mais je sentais qu'elle s'y préparait. Je savais, à un mot près, ce qu'il allait dire parce que nous n'étions plus les mêmes. Si on ne recule pas devant un meurtre, on ne recule pas devant le mensonge ou la trahison.
- Elle a mis du temps à répondre, j'ai senti qu'elle se préparait. Je savais, presque au mot près, ce qu'elle allait me dire. Parce qu'on n'était plus les mêmes. Quand le meurtre ne vous fait pas reculer, alors le mensonge, la tromperie, plus rien d'autre ne vous arrêtera.
Quelques différences, mais je n'ai pas les compétences nécessaires pour juger plus avant.
Un petit mot sur le titre : "Nothing More Than Murder" me parait plus approprié ici que dans l'ancienne version. "Cent mètres de silence" !

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17 mai 2016

Brèves, parfois de comptoirs, à L.A.

Romancière américaine née à Hollywood et vivant à Los Angeles. Personnage incontournable de la scène californienne, son premier ouvrage a été édité en 1974. Celui-ci est le premier traduit et publié en France.
Chronique attendrie, mais pleine d’humour d’une femme libérée dans le Los Angeles des années 1970.
Eve Babitz est aussi connue pour une superbe photo d’elle nue et jouant aux échecs avec Marcel Duchamp en costume, elle corps blanc, pions noirs, lui costume noir, pions blancs dans un décor futuriste.
Titres des chapitres :
Bakersfield. Le séquencier. Dodger Stadium. Héroïne. Le sirocco. La pluie. Mauvaise journée à Palm Springs. Emerald Bay. Le Garden of Allah.
Dans « Le séquencier », on croise un acteur qui découvre que le rôle qu’il joue depuis cinq ans dans un feuilleton va soit mourir, soit devenir un « légume ».
Toute américaine qu’elle est, elle n’avait jamais été invitée à un match de base-ball ! Un long paragraphe sur la drogue qui commençait à se répandre dans le monde artistique. Le vent et la pluie lui inspirent quelques très belles lignes, en particulier celles de Rome: connaissez-vous « Le Quaalude » qui, d’après l’auteur, est un puissant aphrodisiaque mais à manipuler avec précaution ? Ce médicament serait responsable de la mort de Jimi Hendrix !
Moult personnages dans ces brèves rencontres, il est parfois question de gens connus (la scène rock californienne) et d’autres sublimes inconnus comme ce propriétaire d’un vaste domaine vinicole à Bakerfield. On rencontre beaucoup de personnalités du monde de la musique décédées à l’époque : Janis Joplin que l’auteur a juste aperçu, Jimi Hendrix, Phil Ochs qui, miné par la drogue et l’alcool, se suicide, Jim Morrison ou disparu depuis, George Harrison, entre autres.
Il est aussi fait mention d’auteurs notoires, Raymond Chandler, Virgina Wolf, elle parle aussi de Joan Didion, son exacte opposée !
L’autre personnage phare de ce livre est « Shaw », bisexuel amant de Eve, mais ne crachant pas sur les aventures masculines.
Une belle écriture, précise, mais simple. Un ouvrage qui se lit très bien, et cerise sur le gâteau me rajeunit.
Je suis un grand fan de ce genre d’ouvrages, succession de textes n’ayant apparemment pas grand lien ensemble. Mais ici, c’est une version artistique du Los Angeles des années 1970 que nous découvrons, ou plutôt que nous revisitons de l’intérieur.
Mi- récits, mi- souvenirs, un témoignage d’une époque qui marquera des profonds changements dans la société américaine, puis mondiale. Changements qui ne seront hélas qu’un feu de paille, l’argent roi balayera tout cela !
Contrairement aux « Jours tranquilles à Clichy » d’Henry Miller, il n’est pas question ici de débauche sexuelle. Même si on se doute que certains personnages masculins de ce livre furent des amants de l’auteure. Chose dont elle ne se cache pas d’ailleurs dans plusieurs textes.
Elle a créé plusieurs pochettes de disques dont celle de « Buffalo Springfield Again » des Buffalo Springfield.

Conseillé par
17 mai 2016

Souvenirs, souvenirs…*

Le nom de cet auteur est bien connu des amateurs de musiques. Il est en effet un célèbre et très écouté chroniqueur musical. Il a en effet collaboré à « Rock & Folk » et aux « Inrockuptibles » entre autres. Il a aussi activement participé à l’écriture du « Dictionnaire du Rock ». Il a aussi écrit quelques fictions.
Ici il s’agit d’un texte fortement autobiographique divisé, à mon humble avis, en deux parties : la première nous raconte la jeunesse musicale de l’auteur, dans un vaste inventaire de groupes et de chanteurs. Certains toujours en activité, peu il est vrai. D’autres me sont absolument inconnus et ont disparu corps et âmes en laissant quelques enregistrements derrière eux !
Du rock au mouvement punk, de la New-Age au métal en passant par le folk américain, l’auteur n’est pas sectaire, il écoute et chronique avec une certaine jubilation souvent ou avec une ironie caustique parfois.
Il nous parle aussi de ses débuts dans le métier, de ses premiers articles et du bonheur d’avoir atteint le Grall… Avec ce paradoxe de ne pas être musicien, mais il va se soigner.
Dans la seconde partie du livre, Michka Assayas, ayant des problèmes avec Antoine, son fils, suit le conseil de son ami Bono de U2 « Fais quelque chose avec ton fils ». Oui mais quoi ? Antoine se passionne pour la batterie, alors pourquoi ne pas faire de la musique ensemble ? Le père à la basse, le fils à la batterie. Alors commence un long et douloureux apprentissage, plein de déceptions avec peu de succès.
La route est longue, très longue !
Une jeune punk, Louise, fille d’un éclusier, les rejoint au chant, le trio un peu trop amateur sur des textes en anglais composés par Assayas. Louise suivrason boy-friend de l’époque.
Avec la création d’un autre groupe, « Suis Bamba » comprenant toujours le père et le fils, les galères s’enchaînent, mais la fougue reste intacte et les progrès sont là… et les relations père-fils s’améliorent également.
En fin d’ouvrage, l’auteur nous parle d’un concert dans le temple de la musique de Lorient « Le Galion » (où je retrouve parfois mon ami Stéphane Le Carre) en première partie de « Republik », le nouveau groupe de Frank Darcel.
Beaucoup de personnes, des musiciens célèbres et des anonymes.
Le père et son fils, des amis qui les aideront dans leur projet musical, la joie de concerts réussis et la tristesse de la mort d’un ami.
Un excellent ouvrage où un homme se raconte avec humilité, nous fait partager ses joies et ses peines, et nous plonge dans un univers musical loin du « star-system ».
Une belle écriture pleine de pudeur.
* Un des premiers succès de Johnny Hallyday en juin… 1960 !