L'observation directe, L'enquête et ses méthodes
EAN13
9782200249151
ISBN
978-2-200-24915-1
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
128
Nombre de pages
128
Dimensions
1,8 x 13 x 0,7 cm
Poids
134 g
Langue
français
Code dewey
300.723
Fiches UNIMARC
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L'observation directe

L'enquête et ses méthodes

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Dirigé par

Armand Colin

128

Indisponible
Introduction?>Les sciences sociales sont des disciplines d'observation de la vie sociale, comme les sciences naturelles le sont de la vie biologique. La sociologie observe les pratiques humaines en société, au même titre que la géographie lit dans les paysages les contraintes qui se sont imposées aux hommes et la marque que ceux-ci y ont imprimée en retour, ou que l'histoire travaille sur les traces discontinues laissées par les pratiques humaines passées pour en restaurer la cohérence en leur temps, y compris lorsque, comme l'archéologie, elle opère en l'absence de toute documentation sur le sens que les acteurs donnaient à leurs actions. Aller « voir sur place », être physiquement présent dans la situation, la regarder se dérouler en temps réel pour en rendre compte, voilà un privilège du sociologue par rapport à l'historien dans l'observation des pratiques. Il le partage cependant avec d'autres professionnels de l'observation du réel et de son compte rendu : l'explorateur, le journaliste d'investigation1, le cinéaste documentariste2, l'écrivain réaliste3, le militant politique4, le folkloriste, l'hygiéniste ou le réformateur social du XIXe siècle comme Villermé ou Le Play. Observer est en effet une pratique sociale avant d'être une méthode scientifique. Et ses finalités ont une efficacité d'abord sociale : témoigner de mondes mal connus ; défendre un parti esthétique en forme de dénonciation ; soutenir une action politique ; constituer en mémoire ce que les changements politiques, économiques et sociaux font disparaître ; répondre à une demande sociale philanthropique. Si ces récits en prise forte avec le réel exercent une certaine fascination sur un large public, surtout lorsqu'ils traitent de sujets qui lui sont étrangers en même temps que proches (aujourd'hui immigration, banlieue, chômage...), s'ils produisent un « effet de vérité », ils le doivent à la fois au sentiment d'intelligibilité immédiate qu'on a à les lire et à l'autorité de l'argument « il fallait le voir pour le croire ; je l'ai vu, vous pouvez me croire », mise en avant dans des sous-titres du type « observations vécues » (Valdour, 1925).La sociologie s'est intéressée à l'observation directe des pratiques humaines à ses débuts par défaut d'alternative, souvent sur le modèle des journalistes comme pour les premiers sociologues de Chicago5. Cela n'exclut pas des tentatives de systématisation à l'instar de l'entreprise leplaysienne de recueil de monographies de familles et d'ateliers6, même si certains de ces travaux méritent critiques pour moralisme ou dépendance forte à l'égard d'une demande sociale. Elle l'a fait aussi de façon intuitive comme dans le cas des « promenades » de M. Halbwachs7. En s'institutionnalisant, la sociologie s'en est détournée pour lui préférer des formes d'investigation plus conformes aux modèles des sciences de la nature et de la psychologie : traitement de données phénoménologiques recueillies par questionnaires, étude de cas par entretiens, autant de formes d'observation des pratiques qu'on peut qualifier d'indirecte, déléguée à l'enquêté. Si l'observation directe retrouve aujourd'hui grâce aux yeux des sociologues, c'est qu'elle constitue une façon d'échapper au sentiment de dépossession face aux outils toujours plus sophistiqués de traitement de données, perçus comme des « boîtes noires », et face aux interminables interrogations sur les catégories utilisées dans les dénombrements des pratiques. Elle peut donc servir à contrôler l'intelligibilité des traitements quantifiés. Elle est aussi un moyen de résister aux constructions discursives des interviewés en permettant de s'assurer de la réalité des pratiques évoquées en entretien. En première analyse, son attrait nouveau tient ainsi aux mêmes raisons que le succès de ses usages profanes : aux effets de vérité qu'on peut escompter de son empirisme.Cet engouement pour l'observation directe appelle cependant une double défiance. D'abord face à un empirisme naïf qui supposerait que le réel se « donne » à voir. Obligatoirement immergé dans l'objet de son étude, le chercheur en sociologie est tenté de penser le réel à portée de regard alors qu'il a affaire à des sujets qui parlent, si bien qu'il écoute souvent plus qu'il ne regarde. Il ne voit souvent que ce qu'on le laisse regarder, voire ce qu'on lui montre. Il est prisonnier de lunettes délimitant une netteté sur une profondeur de champ limitée, prisonnier de catégories de perception qui lui sont propres, qui renvoient à son rapport profane à l'objet. Il faut aussi se défier d'un empirisme feint qui afficherait des observations diffuses servant de façade à un essayisme subjectiviste : « je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu... » les doutes sur l'autorité de ma parole, alors qu'en fait « je suis venu, on m'a vu (venir), je n'ai rien vaincu... » sinon mes réticences à livrer ce que je pensais déjà savoir sans m'astreindre à quelque analyse de ces observations ! L'observation directe inscrite dans un programme d'analyse sociologique est a contrario une technique contraignante de recueil de matériau et une pratique réflexive conduisant à sa mise en ordre analytique : ce n'est pas une simple pratique sociale pouvant d'évidence être annexée par la science.
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