Le siècle de Schœnberg

Par l'écriture et la pensée, Schoenberg demeure aujourd'hui un des
compositeurs les plus essentiels de l'histoire du XXe siècle. On dira d'emblée
que cette essentialité entretient une proximité indissociable avec l'héritage
classique et romantique dont Schoenberg s'est toujours revendiqué, que le
contexte intellectuel dans lequel il évolue lui confère une singularité toute
moderne, que les questions sociales et politiques ne feront que radicaliser.
Ce volume qui lui est consacré se veut un témoignage portant sur la genèse de
sa pensée et de sa poïétique compositionnelle. On insistera sur le fait que
l'oeuvre de Schoenberg est définitivement marquée par cette sorte de
disposition à accomplir sa vocation de compositeur en relevant ue défi que je
n'hésiterai pas à qualifier d'éthique. Dans la musique de Schoenberg souffle
l'esprit d'une époque et l'espérance qui lui donne sens. D'aucuns se
crisperont en voulant préserver le passé à tout prix, d'autres s'ouvriront à
cette extraordinaire utopie de la non-hiérarchie des paramètres du son comme
inépuisable réserve d'une relance infiniment ajournée sans aucun horizon de
résolution. Un souffle messianique plane sur cette musique, et en même temps,
une empirie à l'épreuve de l'histoire du langage musical l'empêche de se
replier ou de revenir à un état antérieur. Comment parler d'une musique qui
accueille l'instant, qui fait de chaque son un événement insaisissable ? Une
telle discontinuité sérielle ne peut se thématiser uniformément. Nous avons
affaire à une oeuvre musicale comme à une pensée de l'événement. Quelles
peuvent être les conséquences et les implications d'un tel paradigme ?